Web summit 2016 : la smart santé veut devenir “normale”

Le rendez-vous mondial des entrepreneurs du web s’est tenu au début du mois de Novembre à Lisbonne. Après 5 années passées à exposer à Dublin, le Web Summit s’est donc exporté cette année dans la capitale portugaise.

Car en seulement 6 ans d’existence, l’événement s’est imposé comme un rendez-vous phare du secteur high tech : pour preuve, l’affluence est passée de quelques 400 visiteurs en 2011 à 53000 cette année. Et à cet instant l’édition 2017 a déjà reçu 70000 inscriptions ! Les start-ups ne s’y trompent pas, puisqu’on a dénombré plus de 2000 exposants cette année.

Tous les thèmes mêlant high-tech et web sont couverts sur le salon. Des centaines de conférences sont organisées, animées par des experts et industriels du domaine. Parmi ces secteurs innovants, l’intelligence artificielle, la robotique, les véhicules autonomes, mais aussi la fintech et le e-sport étaient à l’honneur.

Mais c’est sur le secteur de la e-santé que nous avons décidé de nous attarder. Les exposants “e-santé” étaient nombreux (européens et asiatiques essentiellement), et les conférences sur le sujet également. Il faut dire que ce domaine cristallise de nombreuses problématiques rencontrées actuellement par les entrepreneurs du numérique : Comment collecter les données ? Comment les exploiter ? Comment les utiliser ? Quid des robots ? Des wearables ?

Les innovations présentées par les exposants “smart santé” du Web Summit se focalisaient cette année sur : les innovations pour combattre les maladies aujourd’hui incurables ; les soins de santé en temps réel ; santé et réalité virtuelle ; Données sur la santé ; vêtements.

La détection précoce des cancers grâce au big data

Le combat contre les maladies longues – en tout premier lieu les cancers – réunit tout un univers de start-ups, dont une des plus connues est freenome. Son CEO, Gabriel Otte, présent à Lisbonne, développe un test de dépistage génomique pour plus de 200 types de cancers. L’accumulation des données lui permet aujourd’hui de présenter des résultats 1000 fois plus performants que ceux existant aujourd’hui.

Le véritable tour de force, qui est également l’enjeu de santé le plus important, est la possibilité, grâce à ces tests prédictifs, de spécifier les risques du patients (et donc adapter la surveillance) et repérer les cancers plus tôt.

Une autre start up qui monte, Medipta. La pépite indienne développe une série d’objets connectés permettant d’établir un bilan de santé via son smartphone. Pour s’adapter au contexte indien, des “huttes connectées” sont installées dans les villages qui ne sont pas reliés au réseau, où les populations peuvent accéder aux services proposés par Medipta en libre accès. Cet exemple illustre la tendance à accompagner physiquement sur le terrain les applications développées pour smartphones.

La santé en temps réel

Services à la demande, autodiagnostic… le développement des échanges de données de santé en temps réel bouleverse la donne. Véritable aubaine quand on se projète sur le futur du secteur, la santé en temps réel doit pour le moment faire oeuvre de pédagogie pour faire évoluer les habitudes de santé des patients.

La disparité des niveaux de développement des technologies de smart santé à travers le monde limite pour le moment le faisceau de diffusion des applications. Mais les choses évoluent vite.

Meplis est une start up qui aide les professionnels de santé à partager les données des patients pour élargir leur palette d’informations et améliorer les diagnostics. Pour un autre type de public, la start up MyNurse permet aux particuliers de se mettre en relation avec un réseau d’infirmiers.

Le monitoring – et l’auto-monitoring – est une tendance forte du secteur smart santé en ce moment. D’où le développement d’applications destinées à toucher un public large concerné par des enjeux de santé majeurs. Les maladies cardiovasculaires sont à l’origine de plusieurs centaines de milliers de morts en france chaque année. A l’instar de très nombreuses start ups, Berkeley Life (la start up est Irlandaise) s’est penché sur les moyens de prévenir les risques d’accidents vasculaires et propose à ses utilisateurs de monitorer leur pression sanguine et leur taux de monoxyde d’azote. Les données sont ensuite utilisées pour anticiper et mesurer les risques de pathologie pour l’utilisateur, qui accède aux diagnostics, de même qu’un réseau de professionnels, pour les utilisateurs déjà signalés à risque.

Côté français, WB Technologies faisait partie de la quinzaine de start ups sélectionnées pour exposer sous la bannière FrenchTech. WB Technologies propose des capteurs analysant la peau et les cheveux des utilisateurs pour, via une application smartphone, mieux connaître les besoins particuliers de nos épidermes. Ce type de solutions, impliquant au maximum l’utilisateur, est un biais précieux pour développer de nouvelles habitudes.

Dans la même veine, la start up HearScreen propose une application complète de diagnostic auditif, avec des tests poussés via smartphone. L’intérêt est également de tracker l’évolution de l’audition de l’utilisateur pour anticiper – toujours – l’évolution d’une potentielle pathologie.

Impliquer l’utilisateur au maximum

Autre start up qui a attiré l’attention des participants au Web Summit, ImmunControl s’intéresse au domaine des transplantations. La start up allemande a développé une application pour les patients transplantés, ou en attente de transplantation, dans le but de permettre aux utilisateurs de partager facilement leur expérience, ce qui n’est pas évident aujourd’hui ; et permettre aux chercheurs d’accumuler les données pour faire avancer plus vite la recherche dans un domaine – la transplantation – qui va également connaître des bouleversements dans les années à venir.

Pour relever ces défis, ImmunControl a développé un dispositif qui tient en trois points : Premièrement, une application mobile à destination des patients, qui leur donne accès à de l’information et leur permet d’échanger avec d’autres patients. Ensuite, la centralisation des données est assurée par une infrastructure IT, qui prend également en charge la mise à disposition de ces données aux professionnels de santé qui en ont l’usage. Enfin, un appareil mobile permettra aux patients de réaliser certains tests seuls et ainsi de mieux suivre leur état de santé.

Santé et réalité virtuelle

La robotique de santé se développe très rapidement. A côté, la réalité virtuelle est également un phénomène en pleine expansion. Ces deux spécialités feront de plus en plus partie de notre quotidien dans les cinq ans qui viennent.

La start up indienne MadocWorldcare utilise la réalité virtuelle, associée à l’intelligence artificielle, pour offrir à ses patients un parcours de santé – à distance – et en interférant avec un “médecin (expert) virtuel”. MadocWorldcare ambitionne les 10 millions d’utilisateurs (de patients donc) pour 2020.

Santé et big data

Le big data est la caverne d’alibaba de l’innovation pour la smart santé. Avec tous les “mais” d’usage : privatisation des données, hacking, automatisation de la collecte des données… Quoi qu’il en soit les start ups se déchaînent pour croiser toujours plus de données : Le potentiel est vertigineux.

Et ce potentiel se révèle notamment quand le big data rencontre… l’intelligence artificielle. La start up allemande Healthcare x.0 a développé une solution d’IA pour aider les professionnels de santé à recruter des patients pour des tests cliniques. Aujourd’hui, la plateforme a passé la vitesse supérieure et propose également un service de télémédecine et bien évidemment un système de centralisation des données des patients.

Autre exemple d’utilisation du big data pour la santé avec la start up brésilienne Epitrack. L’application présentée à Lisbonne par ces jeunes entrepreneurs vise à limiter les dégâts sanitaires sur les populations vivant dans les régions les plus pauvres du pays. La collecte de données via les utilisateurs permet par exemple de : savoir si des problèmes de qualité d’eau apparaissent, quelles maladies se développent, ou et avec quelle intensité… une application collaborative donc, et dont on imagine aiséments les bénéfices potentiels directs pour la santé de ses utilisateurs.


Wearables

Les vêtements connectés pour la santé se développent pour le suivi, la détection ou encore la collecte de données. Mais aussi désormais pour l’administration de traitements aux patients.

La start up portugaise The Odysseus propose une montre connectée destinées aux jeunes enfants (6/12 ans). Team8, c’est son nom, est un bracelet plutôt volumineux, puisqu’il remonte jusqu’à la moitié de l’avant-bras. Des capteurs permettent de tracker les donnés – cardiaques, GPS – de l’enfant et sont utilisées pour créer un avatar customisé par l’enfant lui-même. L’idée de créer un avatar est loin d’être farfelue car elle permet à l’enfant de s’impliquer dans le suivi des données et d’accepter plus facilement le port régulier du bracelet.

Ce qui ressort du Web Summit, c’est la nécessité, pour tous les développeurs d’applications, de trouver des biais pour fidéliser les utilisateurs à une pratique, et si possible sur du long terme. C’est vrai pour la smart santé, mais aussi pour tous les autres domaines high tech du web. La spécificité smart santé résiderait plutôt dans le fait que le temps de fidélisation de l’utilisateur doit être réalisé sur du très long terme pour que la pertinence des données médicales s’en trouve relevée.

Au final, le Web Summit 2016 a montré le dynamisme du secteur de la smart santé, qui continue à se développer. Le problème d’acceptation du public, notamment vis-à-vis de la problématique des données privées, semble aujourd’hui dépassé.

Par Pierre Thouverez

 

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