Smart Manufacturing : les Etats-Unis en leader ?

En 1908, Henry Ford révolutionna l’industrie par la mise sur le marché d’un nouveau modèle standardisé ainsi que par la mise en place d’un système de production unique. Plus d’un siècle plus tard, l’industrie reste l’un des moteurs de l’économie américaine. Selon le National Association of Manufacturers, l’industrie américaine pèse pas moins de 12% du PIB américain soit $2.07 trilliards (l’équivalent du PIB de la 9ème puissance économique mondiale), contribue à 17.6 millions d’emplois et représente ⅔  de la R&D du secteur privé.

Ainsi en 2008, lorsque la récession touche de plein fouet la ville de Detroit (officiellement en faillite depuis 2013) ainsi que les « Big Three » (Ford, General Motors & Chrysler), les Etats-Unis ont eu l’impérieuse nécessité de se réinventer et de trouver dans les nouvelles technologies un allié de poids afin de redevenir à la fois productives et performantes : la notion de Smart Manufacturing (ou advanced manufacturing technology) est alors apparue.

Smart Manufacturing, explications et actions entreprises aux USA

Lors de la conférence CAFFEET en Californie, Jim Davis, vice-Président du Smart Manufacturing Leadership Coalition (SMLC) et chercheur de l’Université UCLA, nous a présenté le Smart Manufacturing : « le smart manufacturing est hautement connecté, basé sur le management de connaissance où tous les acteurs des marchés et procédés opérationnels sont optimisés afin d’améliorer la productivité, la pérennité et les performances économiques dans le même temps. Le smart manufacturing c’est les données > l’information > la connaissance > sagesse »[1] avec des cas concrets de tests réalisés (voir figure ci-dessous)  notamment dans le cadre du AMP 2.0 lancé en 2014 par la Maison Blanche (Advanced Manufacturing Partnership 2.0). Celui-ci suivant le AMP 1.0 de 2011. Le AMP 2.0 a mis en exergue trois axes technologiques prioritaires de travail selon les différents stakeholders (acteurs) qui dirigent aujourd’hui les actions aux USA sur le sujet Smart Manufacturing :

  1. Advanced, Sensing, Control, and Platforms for Manufacturing (ASCPM)
  2. Visualization, Informatics, and Digital Manufacturing Technologies (VIDM)
  3. Advanced Materials Manufacturing

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Figure 1: Enjeux & Opportunités du Smart Manufacturing selon la SMLC & Rockwell Automation

Le schéma ci-dessus met ainsi en avant les différentes “branches” permettant l’optimisation, l’efficience et la durabilité d’une production globale de produits industriels.

Toujours sous l’impulsion de la Maison Blanche, d’autres initiatives ont émergés tel que le National Network for Manufacturing Innovation (NNMI). Le NNMI a pour vocation de lier les organisations de l’industrie et du monde académique avec pour but commun de définir, de démontrer et de déployer de nouvelles technologies et procédés directement sur les sites industriels américains. Du NNMI ont découlé la création de différentes initiatives et organisations telles que le Think Tank MForesight, le Clean Energy Manufacturing Innovation Institute,  ou encore the America Makes concentrés sur l’additive manufacturing et les technologies 3D-Printing.

Chacune de ces initiatives sont regroupées et financées par les plus grandes universités américaines telles que le Massachusetts Institute of Technology, Carnegie Mellon University, Georgia Institute of Technology, Stanford University, University of California-Berkeley, University of Michigan. La recherche académique américaine est donc clairement mobilisée sur cette thématique.

Quelques exemples de Smart Manufacturers : General Motors, Ford, General Electrics

Le “Big Three”, soit les trois plus gros industriels automobiles américains, un secteur qui a connu la plus grande crise de son histoire en 2008 et qui a du se réinventer. La tebhnologie a été à la fois garante de sa nouvelle organisation interne mais a  aussi largement impacté sur sa stratégie Business, lui permettant une certaine renaissance.

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Figure 2: La Futur Smart Car Factory

Pour les trois industriels, l’enjeu est de transformer des centres de coût en centres de profit. Pour cela, comme l’avait fait Henry Ford, il a fallu réussir à augmenter à la fois la flexibilité grâce à une mise sur le marché plus rapide (demand-respond), baisser les coûts totaux des usines (Energy Management, pas de stock), optimiser l’utilisation des machines et leur maintenance (mise en place de capteurs notamment, meilleure gestion des cycles de vies – Life Cycle Management – ) et enfin maintenir un service à distance parfaitement huilé.

Comme le montre le schéma, ci-dessus, c’est à la fois la ligne de production qui est à moderniser (ajout de capteurs, robots, impression 3D…) et optimiser la gestion des données à l’intérieur mais aussi à l’extérieur de l’usine pour répondre aux demandes de plus en plus individualisées des consommateurs. Dans la plupart des cas, cela passe par une gestion de la production beaucoup plus interne ou globale (entre autre afin d’éviter des problèmes avec des sous-traitants qui ne seraient pas au même niveau technologique).

Observons maintenant quelques cas concrets sur différentes parties de la chaine (exemples ne traçant pas toutes les réalisations faîtes par ces constructeurs).

General Motors a, par exemple, récemment implémenté un “trace-and-trace system” sur la ligne de production de leur nouveau moteur grâce à l’apport de “smart bolt (boulons)”. Ces “smart bolt” sont dotés de tag RFID (pouvant stocker 2kb d’information) permettant de détecter toute imperfection dans une tâche effectuée par une machine et faciliter les contrôles qualité à posteriori. General Motors, a dans cette optique de modernisation de ses process, réorganisé toute sa chaine de production avec l’apport de Cisco lui permettant d’avoir les retours nécessaires pour optimiser sa production (côté software notamment). Cette première collaboration a pour objectif un retour sur investissement de 166% sur 5 ans et a permis de gagner près de 100m $US en économies.

De son côté, Ford  a dépensé plus de $550 Millions afin de  rendre l’une de ces chaines d’assemblage suffisamment flexible afin de pouvoir supporter la fabrication de 6 modèles différents !! Dans la même idée, la mythique marque Harley Davidson a digitalisé tout son système de contrôle & l’utilisation de véhicules automatisés (facilitant la tâche des travailleurs) ce qui lui permis d’abaisser son cycle de production de 21 jours à…6 heures ! L’impact touche ainsi les coûts, l’inventaire mais aussi une flexibilité à la demande du consommateur bien plus importante.

Autre exemple dans l’industrie lourde, General Electric. General Electric est, à n’en pas douter aujourd’hui, l’un des leaders et précurseurs du Smart Manufacturing aux USA. L’exemple de son usine de Schenectady, N.Y en est un parmi d’autres. Truffée de plus de 10 000 capteurs, l’usine permet de contrôler les différentes variables (type humidité, pression…) afin de rendre l’usine la plus optimale possible. Tout cela grâce à l’apport d’une énorme quantité de données leur accordant la capacité d’ajuster si nécessaire les machines ou process. Dans le même temps, GE a lancé, il y a quelques années, le programme “Brilliant Factory”. Ce programme a pour but de faire communiquer chaque machine et ordinateur en temps réel afin de partager les informations et ainsi éviter tout problème dans la chaine de production. L’intégration de technologie de scanner et d’imprimante 3D a pour objectif d’apporter une meilleure adaptabilité et réponse rapide à tout potentiel incident. GE débute, cependant, seulement sa mutation, l’idée finale étant de rendre ses 400 usines “Smart” et optimales mais la compagnie semble avoir les technologies et les compétences pour réaliser cet objectif.

Les Etats-Unis sont aujourd’hui clairement l’un des moteurs du Smart Manufacturing en s’appuyant à la fois sur son tissu industriel très fort (GE, Boeing, the Big Three..), sa force de recherche via ses Universités de pointe et la volonté affichée par le gouvernement américains via ses investissements de s’impliquer dans la sauvegarde du Made in USA.

Pour aller plus loin:

Organismes

  • SMLC Report High Priority Research Areas in Smart Manufacturing (Sept 2015): Résumé & Rapport Complet
  • IMS (Intelligent Manufacturing …): Le but de l’organisation est de créer des ponts entre entreprises & académiques américains & européens.
  • MAPI (Manufacturers Alliance for Productivity and Innovation): Etudes & chiffres sur l’industrie manufacturière US.
  • NNMI: Publications de leurs travaux & données.

Liens externes

  • The Internet of Things: Industry (Germany) 4.0 vs. the Industrial Internet. Link.
  • Rapport réalisé par Accenture concernant « the Industrial Internet of Things. Enjeux, Opportunités & Use Cases ».
  • Rapport final délivré à la fin du AMP 2.0 au Président Obama.
  • Très bon article Industry 4.0: Manufacturing in the US avec notamment un étayage des différentes actions et centres de recherche soutenus.
  • 15 composantes de la Smart Factory du futur.

[1]Smart Manufacturing is a highly connected, knowledge-enabled industrial enterprise where all business and operating actions are optimized to achieve substantially enhanced productivity, sustainability and economic performance. Smart Manufacturing is about Data > Information > Knowledge > Wisdom (DIKW)”

Par Gweltaz Lecoz

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