Les Pays-Bas tiennent en Europe une place un peu à part géographiquement, politiquement et socialement : en effet, la surface du pays est 15 fois moindre que celle de la France, pour seulement 17 millions d’habitants.
On oublie souvent que le pays était, au 17ème siècle, une place forte de l’Europe d’alors. En effet, le 17ème siècle constitue pour les Pays-bas le “siècle d’or” : le pays est alors un modèle d’ouverture internationale, en témoigne sa relation particulière avec un Japon alors coupé du reste du monde.
C’est de cette ouverture historique – culturelle pour certains – que découle aujourd’hui l’écosystème néerlandais dédié à l’innovation. Tout cela associé à une culture commerçante et entrepreneuriale qui fait des Pays-Bas un pays abritant un réseau de start-ups dynamiques et innovantes bénéficiant de financements importants.
Autre atout du pays batave, et pas des moindres, la maîtrise par l’immense majorité de la population de la langue anglaise.
Ajoutez à cela une attraction populaire pour les nouvelles technologies, et se dessine un écosystème original très favorable à l’innovation : 98% des Hollandais ont une connexion haut débit alors que la moyenne européenne stagne à 62%.
Les Pays-Bas, une économie digitale
L’économie hollandaise se digitalise depuis un bon moment et aujourd’hui les chiffres attestent ce virage stratégique opéré sous l’impulsion gouvernementale : 75% des Hollandais ont “une bonne connaissance du digital” (la moyenne européenne est de 56%), et la main d’oeuvre dans le secteur des TIC représente 3.9% de la population active (la moyenne européenne est de 2.9%).
Au jour le jour, le gouvernement des Pays-Bas surfe sur cette tendance – qu’il a participé à créer – en proposant aux Néerlandais un maximum de services en ligne. Résultat, 75% des habitants y font appel préférentiellement, contre seulement 33% au niveau européen. Dernier chiffre marquant : 69% des formulaires administratifs hollandais sont disponibles en ligne ! En France le chiffre est de … 29% !
Cette culture digitale propre au pays batave s’illustre concrètement dans beaucoup de secteurs d’activité aux Pays-Bas, mais en tout premier lieu dans un domaine souvent délaissé : l’éducation.
L’école numérique symbole de la culture hightech néerlandaise
Depuis 2013, des écoles d’un nouveau genre ont ainsi vu le jour aux Pays-Bas. Aucun cours n’y est donné sans l’usage d’une tablette et d’applications web. Les « Steve Jobs Schools », c’est leur nom, sont entièrement financées par le gouvernement et soutenues par l’éducation nationale. Elles sont aujourd’hui au nombre de 11 et accueillent plus de 2000 élèves.
Les premiers résultats sont très encourageants, notamment en terme de spécificité d’enseignement pour les élèves ; ces derniers évoquent également l’aspect stimulant – intellectuellement parlant – de ces méthodes pédagogiques.
Ce projet éducatif permet également d’évaluer les conséquences sanitaires dues à cette surexposition des jeunes aux écrans : ces externalités négatives ont été mises en avant dans l’étude PISA publiée l’année dernière.
Derrière le symbole de l’école, tout un écosystème de start-ups performantes façonnent la culture digitale du pays, en partie – on en a parlé plus haut – grâce à la relative facilité pour ces jeunes entreprises de trouver de financements importants au niveau national.
Une dynamique entrepreneuriale soutenue financièrement
Aujourd’hui, en Europe, les Pays-Bas se placent quatrième en termes d’attractivité pour les start-ups (derrière le Grande-Bretagne, l’Allemagne et la France) : le gouvernement a affiché l’ambition de monter sur le podium dans ce domaine, pour contrer la faible taille du marché intérieur batave.
Trois villes hollandaises illustrent parfaitement l’évolution de l’écosystème digital : Delft, Eindhoven et bien sûr Amsterdam, qui reste le centre névralgique de l’innovation néerlandaise.
Commençons par Delft, qui est avant tout une ville étudiante. « YES!Delft » est un incubateur de start-ups qui propose à plus de 60 entreprises des plans stratégiques sur plusieurs années et des financements adaptés. Et la recette fonctionne, puisque des start-ups de l’incubateur se sont faites remarquer au niveau international, notamment la start-up MX3D qui est en train de réaliser, en collaboration avec l’université de Delft un pont métallique imprimé en 3D – le premier au monde – qui enjambera à partir de l’été 2017 le canal Oudezijds Achterburgwal au centre de la ville.
Après un peu plus de 10 ans d’existence, Yes !Delft reçoit plus de 500 candidatures de start-ups par an et a attiré plus de 300 millions de dollars d’investissements.
Autre exemple avec le développement par l’Université technologique de Delft, soutenu par l’incubateur Yes !Delft, d’un ADAV (aéronef à décollage et à atterrissage verticaux). Il s’agit en fait d’un drone, le Delftacopter, qui présente la particularité de ne disposer que d’un seul rotor électrique principal, le rendant adapté à une activité en terrain peu praticable.
Eindhoven, record de neurones au mètre carré
Eindhoven est chaque année dans le classement de tête des villes les plus inventives du monde. Les maturités du tissu industriel et innovant de la ville sont confirmés par les chiffres de l’OCDE : la ville a produit en 2015 22?6 brevet/100000 habitants, un record mondial (la seconde ville de ce classement est SanDiego avec un chiffre de 8,8).
Eindhoven attire donc beaucoup de grands groupes, à commencer par le géant national Philips mais pas seulement. Amazon ou Intel ont choisi la ville pour développer leurs installations.
Développé à l’origine par Philips, le High-Tech Campus d’Eindhoven a aujourd’hui la flatteuse réputation de concentrer “la plus grande intelligence au kilomètre carré” : Et pour cause, cet incubateur qui regroupe plus de 135 entreprises – dont 60 start-ups – regroupe 10 000 chercheurs et est à l’origine de plus de 40 % des brevets néerlandais.
L’incontournable place forte de l’innovation hollandaise reste Amsterdam. En tout cas en termes de terreau fertil pour l’éclosion des start-ups. La ville a un rayonnement international et attire les talents du monde entier.
A ce titre-là, la ville est un véritable aspirateur à financement et à projets. En 2015 par exemple, Amsterdam a lancé une série d’appels à projet innovants pour améliorer la qualité de vie dans la ville.
Parmi les projets les plus innovants, le projet Smart Fiets permet aux 800 000 cyclistes de la capitale hollandaise d’enregistrer leur bicyclette dans une base centralisée pour bénéficier ensuite d’une série de services comme trouver un parking, déclarer un vol ou retrouver son deux-roues quand il a été enlevé par la police.
Autre projet en vue dans le domaine de l’énergie, la mise en place par la start-up Gamatec d’une technologie qui convertit les déchets organiques en carburant et piège le CO2.
Autre innovation, un programme de “Crowd management” à destination des pouvoirs publics qui permet, grâce aux connections wifi, de gérer les déplacements de foules lors d’événements publics et ainsi éviter les débordements.
Au final, même si la puissance de frappe de l’écosystème innovant n’est pas encore celle de certains de ses voisins européens, sa santé permet aux start-ups hollandaises de bénéficier des conditions idéales en termes de recherche et surtout de financements. L’année 2016 dépasse ainsi 2015 en termes de financements de start-ups, année au cours de laquelle près de 2 milliards d’euros avaient été investis sur plus de 1500 start-ups.
Par Pierre Thouverez