En 2014, l’Internet des Objets avait été le “buzz word” en Silicon Valley et il était bien compliqué de pouvoir suivre tous les évènements proposés autour de cette thématique. Comme chaque année, le CES, début janvier, permettait d’appréhender les tendances qui allait rythmer l’année 2015. Petit bilan de cette riche année, de l’émergence de nouvelles technologies à la la maturité plus affirmée pour certaines autres.
Les sujets “Hype” de 2015 : Maturité à venir
L’avantage d’un lieu tel que la Silicon Valley est la forte tendance à accentuer (voir exagérer) lorsque des technologies à fort potentiels pointent le bout de leur nez. Cela livre, ainsi, avec un certain temps d’avance les défis technologiques & réglementaires à venir.
L’exemple des Unmanned Aerial Vehicles (UAV), principalement illustrés par les drones, a ainsi rythmé le début d’année 2015 pour des raisons technologiques mais pas que.
La déferlante des drones loisirs a continué cette année. Ainsi plus de 300 000 drones ont été enregistrés, en un peu plus d’un mois, auprès de la FAA. Eh oui, ce fût la nouveauté de la fin d’année 2015, il est désormais obligatoire aux USA d’enregistrer tout véhicule aérien au travers d’une plate-forme dédiée sur le site de la FAA.
Concernant les grands acteurs industriels, le GAFA (Google/Apple/Facebook/Amazon) n’est pas resté inactif en effectuant des tests principalement sur le sol britannique (la réglementation US étant trop strict). Ainsi, la bataille de la connectivité (apporter la connexion internet au dernier 10% de la population mondiale aujourd’hui non connectée) est restée vive entre Google & Facebook. Facebook a ainsi lancé les tests terrain de son drone Aguilar en mai dernier tandis que Google continuait d’améliorer les techniques de vol de son Ballon Loon. Difficile encore de dire qui sera le premier à s’imposer. De son côté, Amazon a lancé des vols de test au Royaume-Uni, au Canada et aux Pays-Bas. La bataille de la livraison par drone ne fait que commencer et la FAA aura un rôle certain dans sa réalisation.
Les drones, de par leur transversalité applicative, ont la capacité de chambouler bon nombre d’industries. En tête, l’agriculture notamment avec VineRangers, outil d’aide à la décision pour les vignobles, ou encore la construction avec la supervision de sites industriels par drones comme cela a été testé à Sacramento. Pour de plus « nobles » utilisations, le Senseable City Lab du MIT a développé un drone capable de recueillir et d’analyser des échantillons d’eau. Il peut alors déterminer si cette eau est potable. Autre bénéfice, la capacité d’apporter une information rapide sur des catastrophes naturelles tel que cela a été le cas récemment au Népal. Cependant et malgré un potentiel indéniable, l’adoption des drones reste limitée et se traduit aujourd’hui toujours par des phases de tests ou Proof of Concept.
2ème grand sujet, certainement le plus important de l’année, la notion de Deep Learning, avancée indéniable dans le renouveau de l’intelligence artificielle.
Figure 1 : L’évolution de l’Intelligence artificielle.
Précurseur, l’IBM Watson avait battu, en 2011, deux des meilleurs joueurs de l’émission Jeopardy prouvant la capacité d’évolution de la machine. Depuis, le meilleur joueur d’échec de tous les temps s’est retrouvé dépassé et plus récemment c’est à l’ancestral et très difficile jeu de Go auquel Facebook s’est attaqué. Le deep learning, un algorithme du machine learning basé sur la construction d’un réseau neuronal artificiel, a été mis en avant en 2015 sous l’impulsion de Facebook, Google et les grands centres de recherche.
Wired titrait sur l’année 2015 comme l’année où l’AI est entrée dans nos vies quotidiennes. En effet, de la reconnaissance vocale ++ de Google, la reconnaissance des images chez Facebook, la traduction instantanée de Microsoft Skype ou les nouvelles avancées dans le médical (pour les personnes aveugles notamment et la reconnaissance d’objets) ont été, en partie, rendu possible par les nouveaux algorithmes de deep learning. Pour continuer ces avancées, Google et Facebook ont, tour à tour, mis en open source leur module de deep learning TensorFlow & Big Sur. De cette évolution, de nombreuses voix se sont levées afin d’alerter contre les dangers d’une intelligence artificielle trop puissante. Sous l’impulsion d’Elon Musk et Peter Thiel, le laboratoire Open AI, doté d’un fond d’un Milliard de dollars, sera lancé à San Francisco en 2016 afin d’éviter toute dérive morale de l’AI. Une menace qui reste somme toute relative à court terme selon Andrew NG, expert AI de Stanford.
L’évolution des “Hypes” 2014
En 2014, la réalité virtuelle avait fait grand bruit notamment via l’Oculus Rift (sortie annoncée pour Avril 2016 au prix de 599$/699€, un prix jugé trop élevé pour une large partie du grand public encore). L’année 2015 a permis un pas supplémentaire dans la démocratisation de la réalité virtuelle dans le gaming mais pas seulement. Ainsi, McCarthy Building company utilise la réalité virtuelle afin de construire de façon plus intelligente et adaptée un nouvel hôpital. Le retail a, lui aussi, commencé sa mutation en proposant des cycles complets de vente via des modules de réalité virtuelle. Augmenter l’expérience utilisateur avec un pont créé entre le point de vente physique et en ligne est le véritable enjeu. Autre secteur touché, le tourisme. La chaine d’hôtels Mariott a créé sa propre application de réalité virtuelle offrant à son client potentiel d’être “téléporté” dans un autre hôtel de la chaine situé à plusieurs milliers de kilomètres. L’année 2016 s’annonce comme idéale pour l’adoption de technologies VR/AR auprès des gamers et chez les industriels. Il sera aussi intéressant de suivre le très secret projet Magic Leap qui a de nouveau levée plus de 800M$. Sera t’il (enfin) prêt à sortir son 1er produit de réalité augmentée ?
La voiture autonome continue, elle-aussi, son évolution. Les constructeurs se positionnent, les uns après les autres, et les tests en traffic réel ne se limitent plus au seul Google. Ainsi, Ford, avec l’aide de l’université de Michigan, a lancé sa voiture autonome sur les routes de la fausse Michigan City en novembre dernier. Tesla a upgradé le Model S afin de le rendre semi-autonome. Apple, de son côté, s’est renseigné pour que son projet Titan ait la possibilité d’utiliser une ex-zone militaire non utilisée afin de répliquer le modèle de Michigan City. Enfin, Uber a, tout simplement, débauché 40 chercheurs du département robotique de Carnegie Mellon University. Quelques mois plus tard, cela était accompagné d’un don de 5.5M$ pour continuer ces recherches autour de flottes de véhicules autonomes. L’annonce récente du président Obama de l’allocation d’une enveloppe de 4 Milliards de dollars sur dix ans pour accélérer l’adoption des voitures autonomes semble, en tout cas, une bonne nouvelle pour tous ces acteurs. La route est encore longue (au niveau technologique et réglementaire) et la course ne fait que commencer…
L’Internet des Objets est, au cours de cette année 2015, véritablement entré au coeur des stratégies des grandes entreprises/villes au niveau mondial et non plus pour le seul microcosme de la Silicon Valley. Cependant, pas de réelle révolution! Les standards restent toujours aussi dispersés (donc des systèmes pas intéropérables), les infrastructures télécoms telles que les réseaux bas débit sont encore très peu répandus pour accueillir des applications grands publics et les aspects sécuritaires que trop peu adressés. La maison en est le parfait exemple. Malgré des nouveaux systèmes de contrôle vocal ou gestuel, le client reste enfermé dans un système mono-produit où il doit acheter une gamme entière d’une marque choisie. Finalement, le secteur le plus mature semble aujourd’hui le Digital Health qui peut associer des systèmes Wearables à du coaching personnel. Nous scruterons attentivement, en 2016, les mouvements des opérateurs télécoms notamment au niveau d’un possible standard auprès de l’IEEE.
Figure 3 : Les investissements dans le Digital Health, signe de tendances.
Enfin l’impression 3D est arrivée à quasi-maturité bouleversant le marché de la santé et de l’industrie. Ainsi, le projet open source Open Hand va prochainement donner la possibilité d’imprimer une prothèse de main pour moins de 1000$. Autre ambition évoquée à court terme : imprimer des tissus humains. Une équipe de chercheurs de Carnegie Mellon est en train de rendre cela possible. Concernant l’industrie manufacturière, l’additive manufacturing (voir article du bulletin de veille N°11 consacré à cette thématique technologique aux Etats-Unis) est déjà intégré dans le processus de production de certaines grandes entreprise telle que General Electric, l’un des précurseurs du domaine.
Projections pour l’année 2016
Figure 4 : Hype Cycle of Emerging Technologies 2015
L’annuelle courbe Gartner des Technologies émergentes permet d’illustrer les tendances de l’année 2015 avec une confirmation pour les technologies de réalité virtuelle, de l’impression 3D en entreprise ou encore de contrôle gestuel des objets.
Pour l’année 2016, il sera intéressant de suivre la progression de l’intégration du deep learning dans les applications robotiques notamment sur les aspects d’agrippement et de stabilité, l’arrivée (enfin) du textile connecté et de nouveaux services de livraison autonome (type drone).
Enfin, concernant les technologies à “exploser” en 2016, il faudra suivre attentivement la miniaturisation des systèmes robotiques, l’émergence de technologies d’interface Cerveau-Ordinateur (en vue d’application IoT) ou encore l’impression de tissus humains.
2016 sera quoiqu’il en soit encore placé sous le signe de l’humain augmenté (IoT, Réalité virtuelle, 3D Printing…).
Par Gweltaz Lecoz