La Corée du Sud: le pays du matin calme et des Smart Cities

Face aux défis modernes posés par une urbanisation croissante et les conséquences du changement climatiques que les métropoles ont, dans une large mesure, contribuées à créer (les villes contribuent à environs 80% des émissions de CO2 selon la commission de régulation de l’énergie), un nouveau modèle de ville est apparu : les smart cities. Ce concept de « villes intelligentes » a peu à peu occupé une place importante dans les domaines de l’urbanisme, du développement durable ou encore du bien être citoyen, jusqu’à devenir un élément incontournable de la gouvernance de nombreux Etats et territoires. Les smart cities reposent essentiellement sur une gestion durable et intelligente des ressources qu’elles soient humaines, énergétiques, technologiques, etc. et plusieurs villes du monde ont commencé cette transition.

Il existe différents niveaux de smart cities, regroupées en fonction de leur degré d’avancement. L’Internet des objets, en particulier dans le cadre de la domotique, les smart énergies, les smart industries (pour une consommation énergétique plus efficace) ainsi que la « mobilité douce » (ou éco-mobilité) sont les points fondamentaux d’une smart city.  Ainsi, une ville est considérée comme étant entièrement intelligente si les smart technologies qui la composent, en inter-opérant les unes avec les autres, permettent d’alimenter un développement économique durable et une qualité de vie élevées.

Aujourd’hui l’Asie, de par son dynamisme économique et sa démographie, regroupe de nombreuses initiatives pour la mise en place de ces smart cities, bien que l’Europe et l’Amérique du Nord ne soient pas en reste. A ce titre, la Corée du Sud apparaît comme la tête de pont de ces nouvelles métropoles comme le montre la Smart City de Songdo (un quartier de la ville d’Incheon), près de Seoul. Cette « ville » nouvelle, qui a poussée de terre en un peu plus d’une décennie, se veut la plus intelligente, la plus connectée, et la plus moderne des smart cities du monde. Pour beaucoup d’expert, Songdo est une ville « prototype » dans le paysage des smart cities, avec les avantages et les inconvénients qui incombent à un tel statut. Toutefois, plusieurs grands groupes comme Cisco, Véolia, Samsung Biologic mais aussi le siège du Fond vert pour le climat de l’ONU s’y sont déjà installés.

En 2015, la municipalité de Seoul a lancé un programme intitulé Smart Seoul 2015 (successeur du u-Seoul Project) dans lequel elle définit ces priorités en termes de développement « intelligent ». L’utilisation d’internet et des technologies de l’information est mise ici au service de la gestion de la ville et des citoyens. Plusieurs grandes entreprises nationales comme Samsung, LG et Hyunday participent au projet, en particulier dans la R&D et la mise en place de services et fonctions intelligents. Parmi ceux-ci, la possibilité donnée aux citoyens d’avoir accès aux services de la ville via leur smartphone, un réseau Wifi public, une gestion à distance de la santé des habitants, en particulier les plus âgés, les plus fragiles et les plus démunies ainsi qu’un réseau de transport adapté aux conditions en temps réel et un réseau de surveillance et sécurité.

D’autre projet orientés vers le développement de la « ville intelligente » ont également récemment été initiés dans d’autres villes. Ainsi, Busan, la deuxième ville du pays, continue sa transformation technologique avec l’aide de l’opérateur SK Telecom et de Cisco, misant principalement sur l’Internet des objets et leur interopérabilité dans sept domaines majeurs (urgence et sécurité, transport, tourisme, média, énergie et environnement, éducation et santé). Un mémorandum d’entente a ainsi été signé en 2014 entre la municipalité et les deux entreprises afin de développer un service public/privé basé sur ces technologies. Se concentrant sur ses start-up et son innovation, la ville a également inauguré l’année dernière le Busan Center, un hub pour ces entreprises du numérique, pour un montant de $200 millions dont près de $90 million pour le financement de ces dernières.

La Corée du Sud et ces municipalités s’orientent ainsi vers un développement croissant des smart cities et ceux à différents niveau. La gestion des déchets, apparaît également comme une thématique majeure des smart cities car elle impacte directement la vie quotidienne des citoyens. A Songdo, les ingénieurs ont créé un système pneumatique d’aspiration des déchets par tuyaux depuis les habitations individuelles. Ces déchets sont par la suite triés et recyclés, et serviront à terme d’énergie renouvelable.

Des grandes universités comme la Seoul National University, la Korea University ou encore la Yonsei University, ont aussi adaptés la gestion et collecte de leur déchets afin de rendre plus propre leur campus tout en réduisant les coûts, avec l’aide de start-up locales, comme Ecube. En effet, le dynamisme des entreprises intégrées au tissu industriel des nouvelles smart cities permet également d’entretenir cette dynamique par un effet de cluster et la proximité géographique

La vitalité de la Corée du Sud dans le domaine des smart cities ainsi que ses avancés technologiques, lui permettent aujourd’hui d’exporter son savoir-faire. Des projets, notamment pour la ville de Chandigarh, en Inde, ont été discutés et/ou acceptés par les deux parties. Seoul et New Dehli ont ainsi convenu d’une aide financière substantielle pour, notamment, le développement des smart cities indiennes. S’insérant dans le cadre de leur Partenariat Stratégique, cette coopération est aussi essentielle pour le premier Ministre indien Modi qui a lancé en Juillet 2014 le projet des 100 Smart Cities.

Le reste de l’Asie n’est pas en reste :

Singapour

Singapour fait figure de pionnier dans le développement des smart cities. Sa position géostratégique, sa croissance économique forte et son niveau technologique actuels lui donne en effet des avantages considérables à ce niveau. Mais pour la cité-Etat, son développement en smart city est avant tout une question de survie. Sa croissance démographique et la pression de sa concentration urbaine lui laissent peu d’autres options. En juin 2014, le premier ministre Lee Hsien Loong avait ainsi annoncé son ambition de faire de Singapour la première Smart Nation du monde. Aujourd’hui, la volonté affichée est toujours la même et plusieurs laboratoire et centre de recherche comme le Future Cities Laboratory (FLC) du Singapore ETH-Center travail sur les technologies de la ville de demain, en particulier les infocomm (information and communication technologies). L’objectif affiché par le gouvernement, notamment au travers de l’infocomm Development Authority, est d’utiliser ces technologies pour encourager l’innovation dans les sphères économique et sociale et améliorer sa compétitivité mais aussi la qualité de vie et le service de santé de ses citoyens.

 

République populaire de Chine

La Chine a aussi mis l’accent sur le développement des smart cities. L’intensité toujours croissante de sa migration urbaine en fait aujourd’hui une nécessité. Si elle a entrepris, depuis le milieu des années 2000, la transformation de certaines de ses grandes métropoles en « villes intelligentes », c’est toutefois sous l’impulsion de l’Exposition Universelle de Shanghai de 2010 (dans le slogan était « Better City, Better Life »), qu’elle a intensifié cette politique. Des études menées sur la composition du maillage urbain chinois ont pu démontrer que les actions menées par les gouvernements (central et provinciaux) sur des projets pilotes, ont permis, par un effet d’entrainement, le développement de plusieurs grandes villes. Depuis 2013, 277 projets pilotes ont ainsi été approuvé par le gouvernement. La Chine souhaite aujourd’hui devenir un leader mondial dans les technologies impliquées dans les smart cities. En effet, les problématiques liées à la pollution, au logement et au trafic sont aujourd’hui au cœur des politiques urbaines des villes Chinoises. Le développement de ces villes intelligentes s’insère de plus dans une logiquement de transition économique, tournée sur sa consommation intérieure et les services, qu’elle tente de mettre en place. En 2014, le Conseil des Affaires d’Etats a publié un plan s’étalant sur la période 2014-2020, intitulé National New-type Urbanisation Plan et reposant sur cinq développements majeurs.

  • New Industry: afin d’utiliser et échanger efficacement l’information pour analyser les zones  à améliorer et construire des parcs industriels intelligents pour gagner en efficience et compétitivité.
  • New Environment: pour une meilleure gestion des énergies et une meilleure préservation de l’environnement avec la mise en place de réseaux de distribution communicants et l’analyse de données massives.
  • New Life: avec la création d’une plateforme communautaire englobant l’ensemble des services médicaux, éducatifs, les services publics d’emploi et de sécurité sociale.
  • New Service: en concentrant dans un centre d’opération le paysage urbain grâce à l’internet des objets et les technologies intelligentes, en particulier pour les transports en commun.

Ville avec des projets de Smart City à la fin 2013 (Source : Donald Johnson/CCID Consulting) :

Japon

Le Japon reste en Asie, sinon dans le monde, l’un des premiers pays à avoir initié le développement des smart cities avec le lancement en 2009 du i-Japan Strategy 2015. Cette initiative se concentre sur cinq principaux piliers, à savoir :

  • Un « gouvernement électronique » pour améliorer la gestion social des villes et la transparence du gouvernement.
  • Un système de smart santé utilisant notamment la télé-médecine pour améliorer la coordination inter-régionale et répondre à la pénurie de médecin dans les zones rurales, mais aussi optimisé les études épidémiologiques.
  • Une éducation numérique pour améliorer les compétences techniques et technologiques élèves et étudiants.
  • Un tissu local et national de smart industries tourné les technologies « vertes » et innovantes et amélioré la compétitivité internationale du pays.
  • Des infrastructures numériques rapides et sécurisées.

Pour la mise en place de ces politiques, une révision globale des lois et régulations existantes a été nécessaire.

Par Romain Perroud.

Lien Permanent pour cet article : http://www.cvstene.fr/la-coree-du-sud-le-pays-du-matin-calme-et-des-smart-cities/