Israël : un tissu numérique de pointe dans un environnement unique au monde

Israël mérite aussi son surnom de startup nation. Par culture et par nécessité, l’innovation fait partie intégrante de la société. Le pays dispose ainsi du plus fort indice mondial d’investissement en recherche par habitant, mais abrite également le plus grand ratio de startups rapporté à la population.

Historiquement, la nation israélienne a toujours évolué dans une instabilité quasi-constante. C’est cette obligation d’évoluer, d’innover pour assurer sa sécurité, son indépendance et in fine sa place sur l’échiquier mondial qui a produit ce terreau aujourd’hui si fertile pour le high-tech israélien. Le pays est au quatrième rang mondial en termes de capacité à mettre en place un environnement favorable au développement des entreprises, pour le niveau de formation de sa population, pour sa productivité et son niveau de développement technologique et scientifique. Un cas exceptionnel pour un pays au territoire peu étendu.

Tel Aviv est d’ailleurs le deuxième plus grand centre high-tech au monde derrière la Silicon Valley, d’où son surnom de Silicon Wadi. L’économie numérique contribue aujourd’hui pour 6,5% au PIB du pays. La Silicon Wadi est le premier pilier de l’écosystème numérique israélien, même si sa santé dépend pour beaucoup de l’Europe et surtout des Etats-Unis.

Or, on observe depuis quelques mois une baisse globale sur les marchés mondiaux qui ne se répercute pas substantiellement en termes d’investissements (locaux et venus de l’étranger) en Israël. Ainsi, en 2015, plus de 300 start-ups ont reçu des financements, provenant de fonds de capital-risque les plus actifs du pays comme  Singulariteam, Hogeg, Carmel Ventures ou Magma. C’est le fond JVP (Jerusalem Ventures Partners) qui a été le plus actif depuis 10 ans avec plus de 1,2 milliards de dollars investis dans le secteur technologique israélien.

Les fonds étrangers ont, de leur côté, réalisé 178 investissements initiaux l’an dernier, un chiffre en baisse par rapport à 2014 (220 opérations réalisées) mais qui atteste de l’émulation permanente qui caractérise le high-tech israélien.

Les multinationales, deuxième pilier du high-tech israélien

Les multinationales ont en effet rapidement pris conscience du potentiel israélien : elles sont plus de 250 à posséder des centres de recherche et de développement sur le territoire, ce qui constitue le deuxième pilier du high-tech israélien. Leurs implantations s’accompagnent du rachat de startups locales. Dernier exemple en date : le rachat de la startup israélienne Replay Technologies pour 175 millions de dollars par Intel il y a quelques semaines.

Il y a trois ans, ces investissements représentaient déjà 5 milliards de dollars par an.

A l’heure actuelle, des sociétés comme Intel et HP emploient 8000 personnes dans leurs centres de recherche en Israël.

Google, Yahoo et Microsoft se sont installés sur le territoire à Haïfa (où Motorola a construit le plus grand centre de RetD au monde) pour y développer des centres de recherche. Microsoft, en particulier, a développé une stratégie ambitieuse à travers le « Microsoft Accelerator », un programme destiné à aider financièrement les startups locales et qui démontre bien, une fois de plus, la volonté de ces grandes firmes étrangères de s’investir localement en Israël. General Electric a construit il y a deux ans son centre de recherche et développement, axé sur le développement de logiciels, l’utilisation d’internet dans l’industrie et l’aviation, ainsi que la cybersécurité.

Le contexte israélien favorise l’investissement local

Terminons avec l’exemple de Samsung, qui a décidé d’investir dans trois domaines : les jeunes startups israéliennes, le monde universitaire israélien et enfin les fonds de capital-risque centrés sur les startups locales. Les spécialités : smartphones, LED, produits médicaux, Cloud, protection des données.

Le cercle est vertueux car la qualité de l’enseignement supérieur et le taux de diplômés très au dessus de la moyenne des pays développés incite les pouvoirs publics – et aussi les multinationales, notamment américaines – à y investir massivement, offrant aux étudiants un environnement idéal pour entreprendre et innover. L’imbrication entre le monde de l’enseignement, de la recherche et de l’industrie est parfaite, en partie à cause de la concentration des acteurs.

Du côté de la France, nous avons mis du temps à identifier le potentiel de la Silicon Wadi. Depuis la fin des années 2000, le mouvement s’est accéléré : de grandes entreprises comme Alstom, Véolia ou EDF se sont implantées en Israël, suivies plus récemment par Alcatel, qui a développé en 2011 un centre de recherche dédié au Cloud computing. Depuis, des entreprises comme Gemalto, StMicroelectronics ou EADS ont investi dans le pays, soit en installant des laboratoires de recherche soit en rachetant des startup locales, quand ce n’est pas les deux à la fois.

Les secteurs d’excellence : cyberdéfense, surveillance, sécurité et santé.

Le contexte militaire israélien entre aussi dans l’équation de la réussite du numérique israélien. La nécessité notamment de développer la cyberdéfense et la détection se vérifie régulièrement. Ainsi, depuis longtemps les transferts technologiques entre certaines composantes de l’armée israélienne et les startups civiles contribuent à une diffusion rapide des progrès high-tech dans tout le pays. Certaines unités de l’armée font un travail intensif de renseignement et de détection. A ce titre, de jeunes israéliens – qui font leur service militaire – sont formés à l’algorithmique, à la programmation et autres spécialités informatiques. Après leur service militaire, ils sont de plus en plus souvent à l’origine de la création de startups comme KELA, qui propose une approche Cloud dédiée à la cybersécurité ou Checkpoint, qui développe des softwares pour sécuriser ses applications web.

Le domaine de la santé est aussi un secteur de pointe. La culture startup et le système de santé existant sont un terrain d’expérimentation idéal pour développer des technologies mobiles médicales. Plus de 200 startups sont à l’heure actuelle spécialisées en santé numérique et les financements ne faiblissent pas.

Deux exemples. La firme Hisense, qui a révolutionné la lutte contre la mort subite des nourrissons en développant BabySense. Il s’agit d’un dispositif sans contact tactile, sans radiation, conçu pour empêcher la mort subite. L’appareil surveille la respiration d’un bébé et ses mouvements à travers le matelas pendant son sommeil.

La startup ACount, quant à elle, a créé un système de microbiologie fonctionnant en temps réel qui permet la détection et le comptage des micro-organismes nuisibles en l’espace de quelques minutes.

Au-delà de ces deux secteurs spécifiques, on peut affirmer que le tissu numérique israélien est très diversifié, et à la pointe de l’innovation dans l’ensemble des domaines du numérique.

Des incubateurs de startups très performants

Cette compétitivité a pour symbole le Technion. Fondé en 1912, l’Institut technologique israélien est la plus ancienne université de l’Etat hébreu. Le Technion – situé dans la Silicon Wadi – abrite plus de 5000 startups et est la tête de proue du numérique israélien.

Les startups israéliennes à succès sont nombreuses. On citera Wibbitz, Whale comminications, Better Place, Fring, Designart, Waze (racheté par Google), NetIS (sécurité des médicaments en Europe), Treepodia… qui sont quelques exemples illustrant le foisonnement et le succès de l’état hébreu sur le marché international. Il suffit de voir les rachats par les grands groupes de startups israéliennes :

Il y a quelques semaines, le géant japonais de l’électronique Sony a par exemple renforcé sa position dans les semi-conducteurs en mettant la main sur le spécialiste israélien des modems 4G Altair Semiconductor (concurrent du français Sequans).

L’inverse est aussi vrai. Récemment, la société basée en Israel Xjet, qui développe de nouvelles techniques d’impression 3D à base de micro-gouttes métalliques, vient de lever 25 millions de dollars auprès de l’éditeur Autodesk et d’un fond d’investissement.

Autre exemple, le choix par le Brésil d’entreprises israéliennes pour créer une smart city « pilote » près de Rio d’une taille de 20 000 habitants. Enfin, plus près de l’actualité, c’est une entreprise israélienne qui aurait débloqué le fameux iPhone à l’origine du conflit récent entre Apple et le FBI aux Etats-Unis.

L’innovation dans l’ADN israélien

Côté innovation, arrêtons-nous sur quelques exemples emblématiques du savoir faire israélien dans toute sa transversalité :

Dans le big data, la société Moovit, en s’appuyant sur l’open data et sur sa communauté grandissante d’utilisateurs, facilite la planification des trajets multimodaux dans déjà 800 villes de 60 pays. Avec plus de trente millions d’utilisateurs, la startup ambitionne aujourd’hui de se développer en Inde et en Chine. Autre exemple, Decell Technologies : Leader mondial de la transmission en temps réel d’informations sur la circulation routière en se basant sur le suivi de la localisation des téléphones portables et des GPS, le système est aujourd’hui intégré dans les principaux systèmes de navigation, les services de gestion de flotte, les opérations de cartographie ainsi qu’au sein des chaînes d’informations de plusieurs pays dans le monde.

Comme on l’a dit, l’innovation dans le secteur de la surveillance est foisonnante en Israël. BriefCam est un système de vidéo-synthèse qui permet de visionner des heures de vidéosurveillance en quelques minutes en résumant les images aux principaux mouvements. Un gain de temps considérable pour des enquêteurs qui doivent visionner des centaines d’heures d’enregistrement pour retrouver un suspect potentiel.

Dans le domaine des smartgrids, la société GridON a mis au point un système ayant pour but de réduire les conséquences des défauts de courant sur les réseaux d’électricité et de promouvoir la flexibilité dans les procédures de distribution.

Dans le domaine de la réalité virtuelle, Cubital Ltd a créé des prototypes de machines permettant de visionner en 3D le travail d’ingénieurs directement depuis leur écran d’ordinateur. La technologie est aujourd’hui utilisée dans l’industrie de l’automobile, de l’aérospatiale, du médical ainsi que dans les instituts de recherche.

Dernier exemple dans le domaine de l’énergie, avec SolarEdge. L’entreprise a mis au point un module qui optimise chaque maillon d’une chaîne solaire photovoltaïque, en maximisant la production d’énergie tout en la surveillant en permanence pour détecter les défauts et empêcher un éventuel vol.

La présence française en Israël

Israël abrite une forte communauté française très impliquée dans l’écosystème numérique. « La scène locale se nourrit de l’immigration de France, et d’entrepreneurs français sensibilisés aux atouts de la tech israélienne », explique Patricia Lahy-Engel, qui dirige TheHive (évoqué plus largement ICI), un accélérateur créé voilà trois ans, à Tel-Aviv et Ashdod.

« Les entrepreneurs d’origine française ont souvent une vision long terme qui fait défaut à leurs homologues israéliens », pointe cette responsable. Pour l’heure, TheHive, qui a mis en place en 2015 un programme d’échange avec l’accélérateur parisien Numa, a couvé 73 start-up, créées par 146 entrepreneurs venant de 26 pays, dont environ 30 % de France.

Le hub israélien de la French Tech a déjà accouché de belles success stories. Dans le désordre, on citera pzartech, qui veut démocratiser l’impression 3D en proposant un service simplifié et sécurisé aux professionnels. Black Angus Solutions programmatiques également, startup spécialisée en médias numériques, qui offre des solutions de marketing programmatique  grâce au ciblage d’audiences en ligne. Enfin, la startup Costockage développe une application d’économie collaborative autour du stockage et du partage d’espaces dédiés.

En février dernier, le concours DARE labellisé FrenchTech et lancé par Emmanuel Macron a couronné 5 startups françaises qui vont être « accélérées » en Israël, dans le domaine de la médecine personnalisée :

MENSIA développe des solutions médicales innovantes, non invasives reposant sur le principe de la neuromodulation pour le soin du Système Nerveux Central. La startup avait déjà reçu un financement de 3,6 millions d’Euros l’année dernière par l’UE.

DAMAE Medical travaille sur un dispositif médical non invasif, capable de fournir en temps réel aux dermatologues des images similaires aux images d’histologie traditionnelles.

IMTMedical a mis au point des solutions dédiées pour la prévention du risque cardio-vasculaire (comme le Smart Lung).

ISONIC Medical : Développement de tonomètres intelligents d’auto-mesure de tension oculaire à domicile dans les soins du glaucome.

BIOMODEX : Conception et fabrication des maquettes de simulation chirurgicale imprimées en 3D à partir des données des patients provenant de scanners ou d’IRM.

Même si les partenariats franco-israéliens se multiplient sur les projets numériques, l’implantation française est encore timide en comparaison des exemples américain et asiatique.

Par Pierre Thouverez

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