Drones : tour d’horizon des systèmes « anti »

Le concept de drone aérien ou UAV (Unmanned Aerial Vehicle) vit le jour durant la Première Guerre mondiale en Angleterre, aux États-Unis mais également en France. Les premiers appareils, dont certains comme le Kettering Bug qui s’apparentait plus à un missile de croisière, ont ouvert la voie à une réflexion stratégique et au développement de technologies majeures, que l’on retrouve aujourd’hui dans ces véhicules sans pilote commandés à distance. Il est d’ailleurs plus pertinent de parler de système de drone, un drone étant constitué de plusieurs composants dont, au minimum, le drone lui-même, la « station » de commande au sol, et des capteurs permettant la communication entre ces deux éléments. Si les drones ont d’abord été aériens, leur utilisation s’est diversifiée aux environnements terrestre, marin et sous-marin. Il ne sera cependant sujet que des drones aériens dans cet article, ceux-ci ayant une utilisation plus large et spécifique.

Initialement destinés à un usage militaire, les drones, en particulier ceux de moyenne et petite taille, sont aujourd’hui largement répandus dans le domaine civil. Leurs utilisations potentielles recouvrent ainsi de nombreuses finalités. Toutefois, l’étendue de leurs possibilités varie selon les pays. En effet, il existe différents cadres juridiques plus ou moins stricts. Ainsi, aux Etats-Unis, depuis juin 2016, la FAA (Federal Aviation Administration) autorise les drones de moins de 25kg à voler sans autorisation préalable. Cette récente « déréglementation » de leur utilisation a largement contribué à l’augmentation de leurs finalités commerciales à commencer par la livraison.

Dans ce domaine, Amazon apparaît aujourd’hui comme un pionnier, avec pour objectif affiché, un délai maximal de 30 minutes entre la commande et sa réception. Au vu des potentielles économies réalisées, les autres entreprises de ce secteur, comme DHL, Fedex ou le chinois Alibaba devraient également suivre cette tendance.

Les drones s’insèrent également dans le contrôle et l’inspection qu’il s’agisse de lieux, d’immeubles ou d’appareils. Le secteur de l’assurance commence ainsi à s’intéresser à la plus-value apportée par ceux-ci, tout comme Airbus pour le contrôle au sol de ses avions. Récemment, selon une source de Bloomberg, Apple aurait reçu l’autorisation de la FAA pour utiliser des drones afin d’améliorer son application cartographique Maps. La firme californienne souhaite ainsi collecter des données récentes au sujet de l’évolution des différents lieux représentés sur sa carte.

            Un usage plus inattendu vient de Facebook, qui projette de créer un réseau de drone à énergie solaire de grande taille servant d’antennes relais et d’émetteurs-récepteurs afin de pouvoir fournir Internet dans n’importe quel endroit du monde.

En outre, les drones ont également une finalité non-commerciale, comme par exemple l’envoi de matériel médical ou de sang dans des environnements difficilement accessibles.  La recherche et le sauvetage de personnes apparaissent aussi comme des cas d’usage importants, de même que la surveillance d’espèces menacées et protégées comme les baleines. La prévention sanitaire fait également partie des possibilités offertes. Un projet de Microsoft vise ainsi à traquer et identifier les zones à risque où se concentreraient les moustiques porteurs du virus Zika. Enfin, les drones trouvent également une finalité scientifique notamment dans les études géologiques ou environnementales.

C’est toutefois dans le domaine des loisirs que le marché du drone enregistre sa plus importante croissance. De plus en plus de constructeur et de pays s’y mettent. L’un des derniers en date est le drone-caméra Ying du Chinois Tencent capable de filmer et diffuser en direct (streaming) sur l’application WeChat dont il est le propriétaire. Depuis l’année dernière, d’importants investissements ont été réalisés dans les start-up chinoises de drone, avec pour objectif de sortir des produits moins chers que leurs concurrents occidentaux.

Or, cette ouverture du marché des drones et leur accessibilité à un ensemble de plus en plus important de personnes, s’accompagnent des risques inhérents à l’utilisation, souvent malintentionnée, de ces appareils.

En effet, avec leur développement et l’augmentation de leur nombre, plusieurs problèmes se sont rapidement posés aux autorités de nombreux pays quant à leur utilisation. Parmi ces risques, il est possible de citer le risque terroriste relatif à l’utilisation des drones comme vecteurs de charges explosives, à la fois contre des sites sensibles ou des individus. Le risque pour la navigation aérienne lié aux collisions, accidentelles ou non, entre un aéronef et un drone. Le risque lié à la protection des informations, qu’il s’agisse de sites sensibles ou de la vie privée des individus, avec l’utilisation de drones à des fins d’observation. A ce sujet, un rapport du Parlement Européen de 2015 fait ainsi l’état des lieux des outils juridiques dont dispose l’Union Européenne en matière de régulation des drones, en particulier sur les questions relatives à la protection de la vie privée, donnant ainsi plusieurs recommandations à partir des lacunes identifiées. Le rapport insiste sur la nécessité de clarifier le cadre existant de protection des données et des obligations en la matière, d’encourager les fabricants à mettre en œuvre les principes de protection intégrée de la vie privée, de sensibiliser les utilisateurs et d’inclure un moyen de traçabilité des drones et de leurs parcours.

Si les législations ont commencé depuis quelques années à encadrer de plus en plus fortement les drones en fonction de leur catégorie (principalement le poids) et de l’utilisation qui en est faite (par exemple la prise d’image ou non), des contre-mesures ont néanmoins dû être développées pour palier à tout emploi qui poserait une menace potentielle et contreviendrait aux règles en vigueurs.

C’est dans ce contexte que le marché des systèmes anti-drones a, depuis très récemment, lui aussi pris de l’ampleur. Ce marché parallèle, directement lié à celui des drones, a aujourd’hui de belles perspectives. Il est possible de classer ces contre-mesures en fonction des méthodes utilisées :  physique ou électronique.

Parmi les principaux systèmes physiques, plusieurs entreprises sortent leur épingle du jeu. L’entreprise anglaise OpenWorks Engineering a fait beaucoup parler d’elle cette année avec son produit Skywall100, un « bazooka lance filet » capable d’attendre une cible jusqu’à 100 mètres et de la récupérer intacte grâce à un parachute intégré. Différents types de projectiles sont par ailleurs disponibles. OpenWorks Engineering met en avant sa longue expérience dans le domaine de la défense, en particulier dans la fabrication de drone léger, pour justifier son expertise de mesure anti-drones.

Dans la même lignée, l’entreprise Theiss, elle aussi spécialisée dans les drones de petites tailles notamment pour l’armée américaine, fait aujourd’hui valoir son expérience dans ce domaine pour faire la promotion de son produit Excipio, un lance filet anti-drone monté sur drone.

Parmi les systèmes électroniques, deux composantes majeures sont mises en avant : l’une pour la détection des drones, l’autre pour brouiller les ondes radios transitant entre le drone et son pilote.

Aux États-Unis, ces technologies sont très encadrées. Leur utilisation se restreint à quelques acteurs institutionnels et ne peuvent être vendus à des civils. En effet, il est illégal d’endommager un aéronef, y compris les drones, ainsi que de brouiller toutes sortes de transmissions radio.

Malgré ces restrictions, de nombreuses entreprises ont fait le pari des contre-mesures électroniques. Parmi celles-ci, Battelle et son produit DroneDefender : un fusil émettant des ondes radios capables de neutraliser un drone et le faire atterrir.

Une autre solution, du nom de Maldrone permet quant à elle de neutraliser les drones en les infectant via un malware afin d’en prendre le contrôle. Les tests ont été réalisés avec succès début 2015 sur des drones fabriqués par Parrot. Toutefois l’évolution des drones et les différents modèles existants rendent le spectre d’utilisation de cette méthode moins importante que les autres. En effet, la plupart de ces technologies anti-drones nécessitent souvent un effort long, de rétro-ingénierie qui permet, en partant d’un système, d’en comprendre le fonctionnement afin de le neutraliser.

Autre acteur plus récent du marché, SkySafe, permet lui aussi de détecter et de notifier la présence d’un drone, puis d’en prendre le contrôle et de le faire atterrir en toute sécurité.

En France, les avancés dans ce domaine sont elles aussi importantes. De 2015 à 2016, une initiative du Secrétariat Général de la Défense et de la Sécurité Nationale (SGDSN) a permis la création de trois consortiums composés de grands groupes, de PME, de start-ups, d’opérateurs et de laboratoires de recherche, afin de mettre au point des technologie anti-drones. Ces trois projets –  ANGELA, qui est un système permettant de détecter et d’identifier des drones à plusieurs kilomètres ; BOREADES qui permet de détecter, d’identifier et neutraliser un drone, ainsi que de localiser son pilote ; et enfin, SPID qui permet de détecter et neutraliser les drones au moyen d’un système mobile et autonome – sont l’aboutissement de près de 18 mois de recherches.

Autre acteur français et européen, Airbus, se distingue également par ses recherches sur les mesures anti-drones. Annoncé dès septembre 2015, son système permet de couvrir une large zone grâce à l’utilisation de radars, de caméras infrarouge et d’analyse de signal pour n’en citer qu’une partie. Principalement adapté à la surveillance de grands sites sensibles comme les aéroports ou les centrales électriques, il permet également de neutraliser le drone et de localiser son pilote.

Quoiqu’il en soit, l’ère des drones dans laquelle nous sommes entrés changera profondément nos modes de vie et nos habitudes. Si les avantages liés à cette technologie sont indéniables, notamment dans la réduction des « distances » et des délais de livraisons, pour les études scientifiques dans des zones extrêmes ou la surveillance de zones ou d’espèces sensibles, elle apporte également avec elle son lot de menaces. Que celles-ci soient sociales du fait de la destruction d’emplois non-qualifiés, sécuritaires, par le détournement d’un drone afin d’en récupérer la cargaison ou les informations, ou même terroristes, les sociétés que nous composons devront s’adapter à cette nouvelle donne qui ne sera sans nulle doute pas qu’un simple phénomène.

Par Romain Perroud

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